Série Anthropop
WHERE WERE YOU?
Photographie & texte Claudine Boeglin
Where Were You? [Où étiez-vous ?] est une série photographique réalisée entre 2016 et 2019 autour de scènes de musique live à Londres, Barcelone et New York. Les images capturent les transhumances culturelles et les transes collectives que la musique assemble sous son dôme fédérateur.
Ces images s’attachent aux comportements et échanges humains plus qu’à ce qui se passe sur scène. Hommage direct à la musique comme lien social, c’est une série Anthropop en ce qu’elle ajoute à « ce qui permet à l’humain de mieux se connaître » un élément interactif dans sa possibilité de réponse. C’est aussi une time-capsule qui tout à la fois raconte son temps et semble vouloir s’y soustraire. Fin d’une décade tourmentée, ces images deviennent en filigrane témoins des grands événements du monde tout en les défiant.
Let’s Dance!
Pour oublier l’ère traumatique « post-vérité » d’un Moyen-Orient en crise sous le joug de régimes autocratiques sanguinaires ou corrompus, la conquête et chute de Daesh, les interférences russes en Syrie et dans les élections américaines, le « Brexit » ou l’Angleterre divorçant de l’Europe, les montées nationalistes de l’Amérique de Donald Trump jusqu’aux confins de l’Europe et, plus dramatiquement, les grandes migrations humaines et tragiques forcées d’échapper aux guerres civiles, famines et désastres climatiques.
Let’s Dance!
Pour sampler sous les ondes technos les mouvements de révoltes qui s’articulent autour de hashtags. #BlackLivesMatter et #MeToo dénoncent les inégalités et les ségrégations raciales, les abus sexuels et les abus de pouvoir, et deviennent viraux. Ils affectent, enfin et profondément, les relations humaines tout en arrachant les œillères qui ont permis aux institutions culturelles et politiques de ne pas voir.
Where Were You? Le titre de l’installation est provocateur et à double tranchant. Il évoque le dilemme de nos existences écartelées entre réalités physiques, numériques et fictionnelles où l’acte même de ne pas entrer dans le champ de l’objectif photographique qui scanne la foule, ou celui de ne pas avoir une présence reconnue sur les réseaux sociaux, semblent générer anxiété existentielle et malaise social.
Il pose aussi une question éthique. Si l’information est accessible en continu avec la possibilité d’être contre-actée, nous acceptons la responsabilité individuelle et collective de nos réponses. Au milieu de ces corps qui tangent et s’effleurent sans l’ombre d’une animosité, comment ne pas songer aux déplacements forcés de populations privées du choix de leurs destinations, et rivées par l’inconnu ?
Let’s Dance!
Avons-nous manqué de présence d’esprit et de considération ? Avons-nous été aveugles ou indifférents, plongés que nous le sommes dans le vortex d’images qui nous inondent et le défilé constant de notre propre construction du moi théâtral et numérique ?
D’une part nos interactions risquent d’être instrumentalisées par des instances politiques et commerciales, elles pourraient aussi être jugées pour ce que nous avons choisi d’ignorer. Nos dénis et nos silences revêtent une signification morale importante dès lors que nous ne pouvons plus ignorer les faits.
Let’s Dance!
Enveloppés dans les ondes de chaleur et le pouvoir indéniable de la musique, ensemble nous sommes la preuve palpable que l’unité dans la diversité est possible.
Soudain le monde du dehors s’engouffre sur les écrans LED de Massive Attack, appelant notre conscience politique au côté des réfugiés Syriens. Le monde n’est plus étanche, son pouls s’accélère, il a besoin de nous.
